
Stellantis : la chute brutale de Carlos Tavares
C'est un séisme qui a frappé l'industrie automobile mondiale. Carlos Tavares, l'emblématique directeur général de Stellantis, a présenté sa démission dimanche dernier, prenant de court l'ensemble du secteur. Alors que le conseil d'administration lui avait renouvelé sa confiance il y a à peine un mois, comment en est-on arrivé là ? Retour sur les dessous d'une éviction express.
La rupture entre Carlos Tavares et le conseil d'administration
D'après nos sources, les relations entre Carlos Tavares et le conseil d'administration de Stellantis se sont nettement dégradées en novembre. En cause : les objectifs jugés irréalistes et destructeurs fixés par le dirigeant. Son acharnement à réduire les coûts, quitte à fragiliser les relations avec les fournisseurs et provoquer des ruptures d'approvisionnement, a fini par agacer les administrateurs.
De plus, son style de management très vertical et ses relations conflictuelles avec l'ensemble des parties prenantes (syndicats, concessionnaires, gouvernements...) ont fini par poser question. Comme le résume une source proche du dossier :
"On ne peut pas se faire des ennemis de tout le monde. Quelque chose s'est cassé en novembre."
Des objectifs de ventes et de réduction des coûts jugés irréalistes
Carlos Tavares était connu pour son obsession de la performance et de la rentabilité. Mais ses objectifs sont apparus de plus en plus déconnectés des réalités opérationnelles :
- Volonté de réduire drastiquement les coûts en Europe, déjà "réduits à l'essentiel"
- Objectif d'atteindre 21% de ventes en véhicules électriques dès 2025 sans encourir d'amendes, jugé irrationnel par les équipes
- Politique de gestion de la trésorerie court-termiste, privilégiant 2024 au détriment de 2025
Le conseil d'administration craignait que ces objectifs ne dégradent durablement la capacité de Stellantis à produire et vendre des voitures. La stratégie du dirigeant apparaissant de plus en plus risquée et contre-productive.
Un revirement soudain et inattendu
Jusqu'à fin octobre, malgré des tensions palpables, Carlos Tavares semblait bénéficier du soutien total du conseil d'administration. Le président John Elkann avait même déclaré le 10 octobre que le conseil était "unanime dans son soutien à Carlos Tavares". Un mois plus tard, le dirigeant était poussé vers la sortie, sans successeur désigné.
Ce revirement aussi soudain que spectaculaire témoigne de la rupture profonde entre la vision du dirigeant et celle du conseil d'administration. Les divergences stratégiques et les tensions relationnelles ont fini par avoir raison du soutien des actionnaires et administrateurs. Le conseil d'administration a préféré couper brutalement les ponts plutôt que de laisser Carlos Tavares poursuivre une stratégie jugée destructrice.
Les défis à venir pour Stellantis
Avec le départ de Carlos Tavares, c'est une page qui se tourne pour Stellantis. Le géant automobile né en 2021 de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler va devoir relever de nombreux défis sans son dirigeant historique :
- Rassurer les marchés financiers et enrayer la chute du cours de bourse
- Restaurer des relations de confiance avec les fournisseurs, concessionnaires et pouvoirs publics
- Clarifier sa stratégie électrique et atteindre les objectifs CO2 sans mettre en péril sa rentabilité
- Redresser ses parts de marché en Europe et aux États-Unis tout en gérant des stocks trop élevés
Le prochain directeur général, qui reste à désigner, devra rassembler en interne comme en externe, et remettre Stellantis sur une trajectoire plus équilibrée et durable. Tout en composant avec un environnement économique, réglementaire et concurrentiel particulièrement incertain et exigeant.
Le départ de Carlos Tavares marque incontestablement un tournant pour Stellantis. Mais aussi plus largement pour un secteur automobile en pleine mutation, où les dirigeants sont soumis à une pression considérable pour défendre leur vision stratégique et leurs objectifs de performance. Parfois jusqu'à la rupture.