
L’avenir de l’industrie armurière française en question
C'est un coup de tonnerre dans le monde feutré de l'armurerie française. Verney-Carron, plus ancien manufacturier d'armes de chasse de l'Hexagone, vient d'être placé en redressement judiciaire. Avec près de 200 ans d'histoire et un savoir-faire reconnu mondialement, l'entreprise de Saint-Étienne se retrouve au bord du gouffre, criblée de dettes. Un repreneur providentiel est espéré pour sauver ce fleuron de l'industrie, mais aussi tout un pan de notre patrimoine artisanal et technologique.
Verney-Carron, deux siècles d'excellence armurière en péril
Créée en 1820, la manufacture Verney-Carron s'est forgée au fil des décennies une réputation d'excellence dans la fabrication des armes de chasse. Fusils, carabines, l'entreprise familiale a équipé des générations de chasseurs et de tireurs sportifs avec des modèles alliant technicité et tradition. Plus récemment, elle s'est également illustrée avec le Flash-Ball, lanceur de balles de défense plébiscité par les forces de l'ordre.
Mais cette success-story à la française vacille désormais. Malgré un chiffre d'affaires de 5,5 millions d'euros en 2023, Verney-Carron croule sous une dette d'un million d'euros. Un passif en grande partie hérité d'un plan de restructuration datant de 2022. Cette année-là, le groupe Cybergun, spécialiste des répliques d'armes factices, avait racheté 65% du capital de l'armurier.
Un appel à un repreneur industriel
Pour redresser la barre, Cybergun en appelle aujourd'hui à un partenaire industriel de poids, un "acteur majeur de niveau mondial" selon son PDG Hugo Brugière. Des discussions avancées seraient en cours depuis plusieurs mois. L'objectif : adosser Verney-Carron à un groupe disposant d'une forte expertise dans le petit calibre, afin de développer son volet industriel.
Cybergun s'engage à investir, si nécessaire, de nouveaux moyens financiers, en complément des 12 millions d'euros déjà engagés pour garantir la protection de cet actif stratégique.
– Hugo Brugière, PDG de Cybergun
Une période d'observation de 6 mois a été accordée par le tribunal de commerce de Saint-Étienne pour trouver ce repreneur salvateur. En attendant, les 70 salariés sont en chômage partiel. Ils espèrent que leur savoir-faire unique, combinant techniques ancestrales et innovations de pointe, trouvera preneur. Car c'est bien de la survie de toute une filière dont il est question.
Préserver un patrimoine industriel d'exception
Au-delà du sauvetage des emplois, c'est un véritable enjeu de souveraineté économique et de transmission des savoir-faire qui se joue avec l'avenir de Verney-Carron. Dernier fabricant français d'armes de petit calibre, l'entreprise concentre un ensemble unique de compétences et de techniques jalousement préservées depuis deux siècles.
- Usinage de haute précision des canons et culasses
- Mise au point balistique des munitions
- Travail d'orfèvre des crosses et garnitures
Une excellence portée par des Meilleurs Ouvriers de France, dépositaires d'un savoir-faire d'exception. Leur disparition serait une perte immense pour notre patrimoine industriel et artisanal. Elle affaiblirait également un secteur crucial pour la souveraineté et la sécurité du pays, Verney-Carron équipant policiers et militaires avec des armes de petit calibre.
Un secteur de l'armement en pleine mutation
Le placement en redressement de ce fleuron intervient alors que l'industrie de l'armement traverse une période de profonds changements. Après des décennies de désinvestissement et de restructurations, le secteur retrouve des couleurs sous l'effet de plusieurs facteurs :
- Regain des tensions géopolitiques avec le retour de la guerre en Europe
- Hausse des budgets de défense à l'échelle mondiale
- Course à l'innovation technologique (systèmes autonomes, armes intelligentes...)
Dans ce contexte porteur mais concurrentiel, les industriels français de l'armement doivent se réinventer. Consolidation, montée en gamme, transition vers le numérique, les défis sont nombreux pour rester dans la course. Le sauvetage de Verney-Carron s'inscrit pleinement dans cette problématique de refondation d'une filière stratégique pour notre pays. Espérons que son savoir-faire d'exception trouvera un avenir à sa mesure.