
La sérénité d’Orano face à l’approvisionnement en uranium de la France
Alors qu'Orano vient d'officialiser la perte du « contrôle opérationnel » de ses actifs au Niger, le champion français de l'uranium se veut rassurant. Interrogé par la presse à l'occasion de la publication de résultats annuels 2024 qualifiés d'« exceptionnels », Nicolas Maes, le directeur général du groupe, a tenu à rassurer sur la disponibilité future de l'uranium pour la France.
Si le Niger représentait une capacité de production de 1200 tonnes d'uranium par an pour Orano, l'essentiel de son approvisionnement provient en réalité du Canada et du Kazakhstan. Au total, le groupe pourrait extraire jusqu'à 8200 tonnes par an si toutes ses mines tournaient à plein régime.
Une pénurie à court terme exclue
Pour Nicolas Maes, l'envolée récente des prix de l'uranium sur les marchés traduit surtout une anticipation de la demande future, portée par la relance des programmes nucléaires dans le monde. Mais le dirigeant l'assure : « il n'y aura pas de pénurie à court terme, absolument pas ».
Même si plusieurs grandes mines doivent fermer d'ici le milieu de la prochaine décennie, comme celle de Cigar Lake au Canada dont Orano possède 40%, de nouveaux gisements sont identifiés et plusieurs acteurs, dont Orano, ont des projets pour prendre le relais.
Cap sur la Mongolie, l'Ouzbékistan et la Namibie
Le groupe français a récemment signé un accord pour construire une nouvelle grande mine en Mongolie, Zuuvch Ovoo, qui pourrait produire 2500 tonnes par an. Il travaille aussi sur un projet en Ouzbékistan, pour exploiter le gisement de Djengeldi et ses 1000 tonnes annuelles potentielles.
Orano étudie également la réouverture de la mine de Trekkopje en Namibie, mise sous cocon en 2012 quand les cours étaient au plus bas. Avec le rebond actuel des prix, sa remise en service redevient envisageable.
Miser sur le recyclage et la fermeture du cycle
Au-delà des mines, c'est aussi sur le recyclage du combustible usé qu'Orano entend jouer pour sécuriser l'approvisionnement. Son usine de la Hague, dans la Manche, sert déjà à extraire le plutonium et l'uranium de retraitement (URT) des combustibles usés.
Avec la relance du nucléaire français, le gouvernement a demandé de définir un programme pour prolonger et étendre les capacités du site jusqu'en 2100. L'idée de construire une usine de conversion de l'URT, aujourd'hui réalisée en Russie, fait aussi son chemin pour plus d'indépendance.
À plus long terme, c'est la perspective de la fermeture du cycle du combustible, via des réacteurs à neutrons rapides, qui revient sur la table. Mais pour Nicolas Maes, cette option, techniquement pas mature, ne se justifie pas économiquement à ce stade au vu des cours de l'uranium.
Des investissements massifs, un bilan assaini
Pour tous ces projets (mines, recyclage, conversion de l'URT...), Orano devra consentir de lourds investissements dans la décennie à venir. Des dépenses qu'il peut envisager sereinement au vu de ses performances financières.
Après un chiffre d'affaires de 5,8 milliards d'euros et un résultat net proche des 2 milliards en 2024, la dette du groupe n'a en effet jamais été aussi basse. À 780 millions d'euros, elle est près de 4 fois inférieure à son niveau de 2018.
Une situation saine, encore renforcée par une augmentation de capital de 300 millions réalisée par l'État en octobre dernier. De quoi voir venir pour Orano, qui se projette déjà dans un nouveau cycle d'investissements tous azimuts pour garantir l'uranium dont la France aura besoin.