
Gérard Mestrallet : embarquer les entreprises françaises sur l’IMEC
Imaginez un gigantesque corridor reliant l'Inde à l'Europe, combinant routes, voies ferrées, pipelines et câbles sous-marins. C'est précisément le projet titanesque porté par l'IMEC (India-Middle East-Europe Economic Corridor), dont Gérard Mestrallet, ex-patron du géant de l'énergie Engie, est l'ambassadeur. Sa mission : convaincre les entreprises françaises de saisir les opportunités offertes par ce chantier du siècle.
Un tracé ambitieux malgré les tensions géopolitiques
Alors que le conflit israélo-palestinien fait rage, certains pourraient douter de la viabilité d'un tel projet. Mais pour Gérard Mestrallet, pas question de baisser les bras. « Il n'est pas nécessaire que le corridor progresse partout à la même vitesse », assure-t-il, soulignant les avancées rapides entre l'Inde et les Émirats Arabes Unis. Le soutien politique est là, avec pas moins de 8 pays du G20 (dont les États-Unis, l'Inde et plusieurs pays européens) ayant affiché leur volonté de concrétiser ce corridor lors du sommet de New Delhi en 2023.
Concrètement, le tracé de l'IMEC prévoit d'acheminer les marchandises par bateau jusqu'aux ports du Golfe, avant de les faire transiter par train à travers la péninsule arabique. Arrivées en Israël, elles seront réembarquées direction l'Europe, avec Marseille en porte d'entrée. Des pipelines d'hydrogène vert et des câbles de fibre optique viendront compléter le dispositif.
Des réunions pour mobiliser les entreprises françaises
Pour faire de la France un acteur majeur de l'IMEC, Gérard Mestrallet multiplie les réunions auprès des grands groupes hexagonaux. Énergéticiens (EDF, Engie...), sociétés de transport (SNCF, CMA CGM...), géants du BTP (Vinci, Eiffage...) : tous sont invités à plancher sur leur contribution potentielle à ce projet d'envergure. « Le moment venu, nous ferons part des projets et des appels d'offres », promet l'ex-dirigeant, qui voit dans l'IMEC une formidable opportunité pour le savoir-faire tricolore à l'international.
Potentiellement, ce projet peut concerner beaucoup d'entreprises.
Gérard Mestrallet, envoyé spécial pour l'IMEC
L'Inde, un partenaire stratégique face à la Chine
Au-delà des retombées économiques, l'IMEC revêt une importance géostratégique majeure. Dans un contexte de tensions avec la Chine, ce corridor doit permettre de renforcer les liens avec la puissance indienne, vue comme un contrepoids essentiel par les Occidentaux. Avec une croissance attendue de 7% par an dans la décennie à venir, l'Inde aura de grands besoins en infrastructures, que ce soit pour exporter son hydrogène vert ou faire transiter ses services numériques.
- Les échanges Europe-Inde devraient passer de 125 à 175 milliards $ d'ici 2032
- L'Inde vise à devenir un grand exportateur d'hydrogène vert
- Le pays est déjà un géant des services informatiques
Malgré son soutien initial, l'Arabie Saoudite semble aujourd'hui plus en retrait sur la partie terrestre du projet, se concentrant sur ses ambitions hydrogène. Des tracés alternatifs pourraient relier l'Égypte, avec la création de zones franches pour dynamiser l'activité locale. L'enjeu : sécuriser les chaînes d'approvisionnement en diversifiant les routes. Un impératif dans un monde de plus en plus connecté mais fragile, comme l'a rappelé la crise du Covid.
Un chantier titanesque qui prendra du temps
Gérard Mestrallet est lucide : l'IMEC n'est pas un projet qui se fera en un jour. Il rappelle volontiers que le canal de Suez a nécessité 20 ans de négociations et 10 ans de travaux. Entre les études de tracés, l'évaluation des trafics et le dimensionnement des infrastructures, le chemin est encore long avant de voir les premiers trains relier le Golfe à la Méditerranée. Mais l'ancien dirigeant est confiant : à l'heure des rivalités sino-américaines et du dérèglement climatique, ce corridor est une chance à saisir. Pour la France, pour l'Europe, et pour un monde plus interconnecté et résilient.