
L’Inde Face à un Dilemme de Taille pour les Paiements Mobiles
L'Inde se trouve à un tournant décisif concernant l'avenir de son marché des paiements mobiles, l'un des plus dynamiques au monde. Le régulateur national doit en effet trancher sur la question de la domination exercée par les géants PhonePe, filiale de Walmart, et Google Pay, qui à eux deux concentrent près de 85% des transactions.
Au cœur du débat se trouve l'Interface de Paiement Unifié (UPI), un réseau soutenu par plus de 50 banques de détail qui a révolutionné la façon dont plus d'un milliard d'indiens règlent leurs achats au quotidien, des courses alimentaires aux trajets en taxi. Avec 13 milliards de transactions mensuelles, l'UPI s'est imposé comme le moyen privilégié pour payer en ligne dans le pays.
Un plafond de 30% en question
Pour éviter une concentration trop forte, le régulateur avait proposé dès 2020 de limiter à 30% la part de marché maximale sur l'UPI. Une mesure qui toucherait de plein fouet PhonePe (47,8% de parts de marché) et Google Pay (37,1%).
L'avenir de PhonePe en suspens
Cette incertitude réglementaire pèse sur les projets d'introduction en bourse de PhonePe. La startup valorisée 12 milliards de dollars ne peut pas se lancer tant que la situation n'est pas clarifiée selon son co-fondateur et CEO :
Si vous achetez une action à 100 roupies en tablant sur nos 48-49% de parts de marché, il y a un risque qu'elles tombent à 30% sans savoir quand.
Sameer Nigam, CEO de PhonePe
Une opportunité pour les fintech
À l'inverse, de nombreuses fintech indiennes pourraient tirer avantage d'un coup de frein imposé aux leaders, que ce soit en termes de recrutement de nouveaux utilisateurs ou de volume de transactions. Une limitation de la domination de PhonePe et Google Pay redistribuerait les cartes sur ce marché ultra-concurrentiel.
Un nouveau délai envisagé
Face à ces enjeux, le régulateur pencherait pour un nouveau report de la mise en place du plafond, voire un relèvement au-dessus des 40%. Initialement prévue pour janvier 2021, l'échéance a déjà été repoussée à 2023 puis 2025. Des négociations de dernière minute sont en cours avec les différentes parties prenantes.
L'expérience utilisateur en question
Au-delà des considérations concurrentielles, c'est bien l'impact sur les utilisateurs finaux qui préoccupe. Imposer des limitations de parts de marché trop strictes pourrait dégrader l'expérience et l'adoption des paiements numériques, pourtant un axe stratégique du gouvernement de Narendra Modi dans sa marche vers une économie sans cash.
Un test pour la régulation des géants tech
Plus largement, le dossier UPI constitue un test pour la volonté de l'Inde de réguler les géants technologiques étrangers dans un marché clé pour leur croissance future. Outre Walmart et Google, des mastodontes comme Meta et Amazon ont massivement investi pour conquérir ce vivier de plus d'un milliard de consommateurs, jeunes et de plus en plus connectés.
En fixant des règles du jeu équilibrées sur le marché des paiements, le pays enverra un signal fort sur sa capacité à concilier l'attraction des investissements étrangers et la promotion d'un écosystème local dynamique et diversifié. Un défi de taille dont dépendra la maturité future de la fintech indienne.