
Scale AI de nouveau poursuivie pour ses pratiques salariales
Le géant de l'intelligence artificielle Scale AI se retrouve une fois de plus sous le feu des projecteurs, et pas pour les bonnes raisons. La start-up californienne, dont la valorisation atteint les 13,8 milliards de dollars, fait face à un deuxième procès concernant ses pratiques salariales, à peine un mois après une première plainte. Au cœur des accusations : le recours massif à des travailleurs classés comme contractuels, mais qui seraient en réalité des employés sous-payés.
15 dollars de l'heure : en-dessous du minimum légal californien
Le 3 janvier 2025, Amber Rogowicz, une ex-collaboratrice de Scale AI, a déposé plainte contre l'entreprise. Selon elle, la start-up aurait intentionnellement mal classé ses travailleurs en « contractuels » au lieu de les reconnaître comme employés. Une astuce qui permettrait à Scale AI de les rémunérer seulement 15 dollars de l'heure, alors que le salaire minimum en Californie était de 16 dollars au moment des faits, et s'élève désormais à 16,50 dollars.
Durant ses trois mois au sein de la filiale Outlier de mars à juin 2024, Amber Rogowicz affirme avoir travaillé environ 10 heures par jour, mais n'avoir été payée que pour 5 heures. La raison : « le temps passé à examiner les instructions et à suivre les formations n'était pas rémunéré », précise la plainte.
Une armée de petites mains de l'IA sous-payées ?
Amber Rogowicz n'est pas la première à s'élever contre les conditions de travail chez Scale AI. Le 10 décembre 2024, une autre plainte avait été déposée, dénonçant déjà un vol de salaire généralisé et une mauvaise classification des travailleurs. Cette action en justice visait à obtenir le statut de recours collectif.
Scale AI s'appuie en effet sur une véritable armée de travailleurs, classés comme contractuels, pour réaliser des tâches essentielles au développement de l'IA comme l'étiquetage d'images ou la notation de réponses générées par des grands modèles de langage. Un travail de l'ombre, peu valorisé, mais indispensable aux géants de la Tech qui font appel aux services de Scale AI.
Les avocats spécialisés dans les droits des travailleurs attaquent souvent les messagers lorsque les sociétés sont confrontées à des responsabilités potentielles impliquant un grand nombre de travailleurs.
Bryan Schwartz, avocat représentant Amber Rogowicz
Scale AI se défend, les avocats dénoncent une stratégie d'intimidation
Contactée par TechCrunch, la startup affirme avoir rémunéré équitablement Amber Rogowicz, et l'avoir retirée d'Outlier pour avoir enfreint des règles de la communauté. Scale AI assure respecter la loi et œuvrer pour que les taux de rémunération soient conformes ou supérieurs aux normes de salaire local. L'entreprise ajoute qu'il n'est pas surprenant de voir des avocats chercher à reproduire des poursuites antérieures.
Une défense jugée classique par l'avocat Bryan Schwartz, pour qui « il est très courant dans ce genre d'affaires que les entreprises s'en prennent au messager » lorsqu'elles sont confrontées à de lourdes responsabilités impliquant de nombreux travailleurs. Il espère que cette affaire aidera Scale AI à « assumer et corriger sa mauvaise classification des travailleurs, et à indemniser ceux qui ont subi des violations salariales ».
Le modèle économique des géants de l'IA remis en question
Au-delà du cas Scale AI, ces poursuites judiciaires posent la question de la viabilité et de l'éthique du modèle économique de nombreuses entreprises d'IA, qui reposent sur une main-d'œuvre peu visible mais essentielle. Alors que l'intelligence artificielle connaît un essor fulgurant, il est urgent de s'assurer que cette croissance ne se fasse pas au détriment des droits et de la juste rémunération des travailleurs du secteur.
Ces procès pourraient faire jurisprudence et obliger les acteurs de l'IA à revoir leurs pratiques. Car si l'intelligence artificielle représente une opportunité immense, elle ne doit pas se bâtir sur l'exploitation d'une nouvelle classe de travailleurs précaires. L'avenir de l'IA passera aussi par davantage de transparence et d'équité envers ceux qui œuvrent dans l'ombre à son développement.